Pour pallier à tout malentendu

Premier article, histoire de préciser le thème de ce blog et de parler vocabulaire pour plus de clarté. Il s’agit d’aborder le jeu-vidéo sous un angle personnel, le son, puisque c’est ce domaine avec lequel je suis le plus familier, et qu’il me semble très riche bien que rarement mis en valeur en tant que pilier de l’expérience vidéo-ludique. Cela fait plusieurs années que je voulais analyser des jeux-vidéo, mais il me semblait toujours être à court de réels outils pour réaliser ce projet. En abordant le jeu-vidéo par le son, j’utilise ma familiarité avec des problématiques sonores pour pouvoir tirer de nouveaux éléments de la friction des deux domaines.

Tout d’abord, qu’est-ce que j’entends en parlant du son ? Ce terme en cache un autre: « sound design ». Le sound design est une notion à l’origine liée au cinéma, créée par les expérimentation dans les films de science fiction de Ben Burtt et Walter Murch :

« Sound design : Le terme désigne initialement une méthode de production de la bande sonore d’un film en fonction des systèmes qui la diffuseront dans les salles de cinéma (Murch). La définition du Sound Design a ensuite été enrichie d’un ensemble de techniques d’enregistrement et de traitement du son et des bruitages dans le but de créer des sons nouveaux ou un univers de sons (Burtt). Il désigne enfin aujourd’hui le processus global de conceptualisation d’une bande son dans son ensemble ou d’un univers ou un environnement sonore dans sa globalité.
Le point commun des ces trois éléments de définition est l’attention particulière qui est portée à la spatialité des sons, à la fois dans l’espace réel où ils seront diffusés mais aussi l’espace virtuel, la diégésis, qu’ils sont censés illustrer ou mimer. »1

Cette définition met l’accent sur les conditions de production du son : il n’en sera cas que de manière minoritaire. Ce qui m’intéresse avant tout, c’est la manière dont l’ensemble d’un dispositif sonore, musique et son, tente de s’harmoniser (ou non) avec un gameplay, une histoire, une narration, un genre vidéo-ludique.

Dans certains cas, la bande-son sert à créer une ambiance, à renforcer une sensation d’immersion : c’est l’usage le plus commun, mais aussi un des plus intéressants du design sonore. Des expériences comme Journey, Abzü, (je parle du travail d’ Austin Wintory) pour citer des cas d’écoles, misent énormément sur la réussite de leur ambiance. Ambiance ne signifie pas toujours second plan.

Par ailleurs, le travail sur une ambiance sonore est parfois nécessaire au gameplay du jeu. Je pense notamment aux jeux d’infiltration, à la série des Thief que je connais le mieux : une bande-son très discrète, nécessairement, car elle laisse place aux sons de pas, aux bruits divers indiquant le danger, l’urgence de la situation (à tel point qu’il m’arrivait de me retenir d’éternuer pour ne pas alerter les gardes). Les survival horror mettent également à profit ce dénuement (empruntant ce procédé au cinéma d’horreur) pour créer des explosions soudaines de sons (jump scare et autres): les bruits produit par les ennemis nous avertissent de leur présence, créent de fausses alertes, ou envoient subitement un signal fort pour désarçonner le joueur et le tétaniser pendant quelques précieuses secondes. Le son est à double tranchant, à la fois notre meilleure défense, mais aussi la meilleure arme du jeu contre nous.

Enfin, le design sonore peut devenir un élément de gameplay, créant ainsi un genre à part entière. Je pense aux rhythm games comme Crypt of the Necrodancer, Soudodger, Inside my radio qui utilisent chacun à leur manière la composante sonore. Si le son trouve ici son usage le plus « visible », il n’est pas nécessairement le plus à propos ou le plus intéressant. Un rhythm game pourra être moins intéressant à analyser qu’un jeu ayant effectué un bon travail sur son design sonore.

Outre ces usages (ceci n’est pas une liste exhaustive), je n’oublie pas tous les autres sons présents dans n’importe quel jeu vidéo: le bruit des boutons des menus, des alertes diverses, des impacts, des échecs qui ont leur importance dans notre réaction purement physique à un jeu (pour les bruits des menus, nous sommes d’accord, c’est un stimulus assez moyen, mais c’est tout de même un ensemble de sons par lesquels le joueur est obligé de passer et repasser, de même que les éventuels petits clips sonores des créateurs et producteurs du jeu type Firaxis ou Ubisoft). Ces petits détails a priori insignifiants comptent, en particulier pour les jeux de gestion.

On peut ajouter à tout cela un autre aspect à prendre en compte, primordial dans l’expérience de chaque joueur : la mémoire et les souvenirs liés à un jeu. Dans le cas des jeux-vidéo, j’ai remarqué que les accès de nostalgie étaient le plus souvent liés à une bande-son, une musique, et à tous les détails que nous n’avions pas consciemment remarqués (comme si l’oreille avait une mémoire quasi-indépendante). En bref, nous percevons l’expérience du jeu-vidéo sur bien plus de plans que nous le pensons, et c’est que j’espère pouvoir mettre en lumière.

1.
Sound Design. Le Blog des bruitages. http://bruitages.be/sound-design/.

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